Comment fonctionne le compte professionnel de prévention ?

Le principe du compte professionnel de prévention (C2P) est de faire bénéficier les salariés d’avantages visant à compenser le caractère éprouvant de leur travail. Concrètement, les travailleurs exposés à un ou plusieurs de ses six facteurs de risques professionnels cumulent des points qu’ils peuvent échanger contre le financement d’une formation ou d’une reconversion professionnelle, d’un passage à temps partiel sans perte de rémunération ou de trimestres de retraite.

Le C2P est géré par la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés et ses caisses locales, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) ou, pour les salariés agricoles, la Mutualité sociale agricole. Ce sont ces organismes qui, à partir des informations transmises chaque année par les employeurs, décident de l’ouverture du compte au profit d’un salarié et gèrent le cumul et l’échange de points. Ils sont également chargés de réaliser des contrôles auprès des employeurs et d’administrer les réclamations.

Quels sont les facteurs de risques professionnels du compte professionnel de prévention ?

Les facteurs de risques pris en compte dans le cadre du C2P sont au nombre de six. Ils sont liés :
– à un environnement physique agressif : activités en milieu hyperbare (milieu où la pression est supérieure à la pression atmosphérique), températures extrêmes et bruit ;
– ou à certains rythmes de travail : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes (les 3×8 par exemple) et travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte.

Une exposition au-delà de certains seuils

Pour être prise en compte et donner droit à des points, la simple exposition du salarié à un ou plusieurs facteurs de risques ne suffit pas. Il faut, en effet, qu’il ait été exposé à ces facteurs au-delà de certains seuils déterminés par décret. Étant précisé que ces seuils sont appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle mises en place (système de ventilation, bouchons d’oreille…).

SEUILS D’EXPOSITION DES FACTEURS DE RISQUES DU C2P
Facteur de risques Seuil
Action ou situation Intensité minimale Durée minimale
Activités exercées en milieu hyperbare Interventions ou travaux 1 200 hectopascals 60 interventions ou travaux par an
Températures extrêmes Température inférieure ou égale à 5°C ou au moins égale à 30°C 900 heures par an
Bruit Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de 8 heures d’au moins 81 décibels (A) 600 heures par an
Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels (C) 120 fois par an
Travail de nuit Une heure de travail entre minuit et 5 heures 100 nuits par an
Travail en équipes successives alternantes Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre minuit et 5 heures 30 nuits par an
Travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques ou plus 900 heures par an
Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute

Le cumul de points

Les salariés acquièrent un point par facteur de risque auquel ils sont exposés par période de 3 mois travaillés (soit 4 points maximum par an pour une exposition à un seul facteur de risque, 8 points maximum pour une exposition à deux facteurs de risque, etc.).

Les salariés ne perdent pas les points acquis, mais non utilisés, lorsqu’ils changent d’employeur ou sont au chômage.

Comment l’employeur déclare-t-il l’exposition de ses salariés ?

Évaluer l’exposition

Tous les ans, l’employeur doit évaluer si ses salariés ont été exposés, au-delà des seuils, à un ou plusieurs des six facteurs de risques inclus dans le C2P. Une évaluation faite au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé par le salarié, appréciées en moyenne sur l’année.

Pour simplifier cette tâche qui peut être ardue pour certains facteurs, l’employeur peut se reporter aux postes, métiers ou situations de travail définis par un accord de branche étendu ou dans des référentiels professionnels de branche homologués par arrêté.

Mi-novembre 2023, 21 branches avaient adopté de tels référentiels : les entreprises du paysage, les entreprises de l’eau, la pâtisserie, la Fédération des Services Energie Environnement, la Chambre syndicale de la désinfection, désinsectisation et dératisation, les employeurs de la branche de l’aide à domicile, les entreprises de la beauté, l’Union Sport & cycle (équipements sportifs), les entreprises de coiffure, les poissonniers-écaillers, le commerce de gros et international, pour les métiers de la logistique, la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction et la branche du commerce, l’Observatoire des métiers et des qualifications dans la distribution, location, maintenance des matériels agricoles, de travaux publics, de manutention et de parcs et jardins et l’Union professionnelle des entreprises de commerce à distance, la Fédération nationale des travaux publics, etc.

À savoir : ces référentiels sont disponibles sur le site du ministère du Travail, rubrique Santé au travail, puis Prévention des risques pour la santé au travail.

Déclarer l’exposition

Pour chaque salarié concerné, l’employeur doit déclarer le ou les facteurs de risques auxquels il a été exposé au-delà des seuils prévus au titre de l’année civile écoulée.

En pratique : cette déclaration est effectuée via la déclaration sociale nominative (DSN).

Pour les salariés dont le contrat de travail est toujours en cours au 31 décembre, la déclaration de ces facteurs de risques est effectuée dans la DSN liée à la paie de décembre, c’est-à-dire dans la DSN transmise au plus tard le 5 ou le 15 janvier (selon l’effectif de l’entreprise). Pour les salariés qui quittent l’entreprise en cours d’année, l’employeur doit effectuer la déclaration des facteurs de risques dans la DSN correspondant à la dernière paie du salarié, soit le 5 ou le 15 du mois qui suit la fin du contrat de travail.

Comment le salarié peut-il utiliser ses points ?

Chaque salarié peut échanger les points inscrits sur son C2P contre le financement :
– d’actions de formation professionnelle continue pour accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux facteurs de risques professionnels du C2P ;
– d’actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience (VAE) en vue d’une reconversion professionnelle vers un emploi non exposé à ces facteurs de risques ;
– d’un complément de sa rémunération et des cotisations et contributions sociales dans le cadre d’un passage temporaire à un travail à temps partiel ;
– à partir de 55 ans, d’une majoration des trimestres d’assurance vieillesse afin de partir plus tôt à la retraite.

Barème d’échange des points du C2P (1)
Points Bénéfice
Formation professionnelle continue ou reconversion professionnelle 1 500 € crédités sur le compte personnel de formation
Passage à un travail à temps partiel (2) 10 Travail à temps partiel dont la durée dépend du coefficient de réduction du temps de travail
Exemples : travail à mi-temps pendant 4 mois ou temps partiel de 80 % pendant 300 jours, avec maintien de la rémunération
Majoration des trimestres d’assurance vieillesse 10 Un trimestre
(1) Les 20 premiers points cumulés sont réservés à la formation professionnelle continue ou à la reconversion professionnelle, sauf pour les salariés nés avant le 1er janvier 1960. Pour les salariés nés entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1962, seuls les 10 premiers points sont réservés à la formation.
(2) Le nombre total de points que les salariés peuvent utiliser avant leur 60e anniversaire pour financer un passage à temps partiel est limité à 80.

Quelles sont les entreprises obligées de négocier sur la prévention des risques ?

Les employeurs d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés doivent négocier un accord en faveur de la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels lorsqu’au moins 25 % de leurs salariés sont déclarés exposés au titre du C2P ou que leur sinistralité au titre des accidents du travail ou des maladies professionnelles est supérieur à 0,25. Sachant qu’en cas d’échec de ces négociations, les entreprises doivent mettre en place, après avis des représentants du personnel, un plan d’action sur ce thème.

Précision : les entreprises de moins de 300 salariés ou appartenant à un groupe de moins de 300 salariés n’ont pas à conclure un accord ou à instaurer un plan d’action si elles sont couvertes par un accord de branche étendu portant sur la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.

L’accord ou le plan d’action, conclu pour une durée maximale de 3 ans, traite d’au moins deux des thèmes suivants :
– la réduction des polyexpositions aux facteurs de risques professionnels ;
– l’adaptation et l’aménagement du poste de travail ;
– la réduction des expositions aux facteurs de risques professionnels.

Il doit également aborder au moins deux des sujets suivants :
– l’amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel ;
– le développement des compétences et des qualifications ;
– l’aménagement des fins de carrière ;
– le maintien en activité des salariés exposés à des facteurs de risques professionnels.

À savoir : les facteurs de risques concernés par cet accord ou le plan d’action sont les six pris en compte dans le cadre du C2P (activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail répétitif) auxquels s’ajoutent les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées.

Les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’être couvertes par un accord ou un plan d’action risquent une pénalité dont le montant maximal correspond à 1 % des rémunérations versées aux travailleurs concernés par cette obligation pendant les périodes au cours desquelles l’entreprise n’était pas couverte.

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2023